Roue libre : de la Suisse à la Thaïlande en sidecar Ural et à moto

Voyager en sidecar Ural, c’est possible ? Mais bien sûr, c’est même une expérience jubilatoire ! En plus de pouvoir rouler sur n’importe quel type de terrain, l’Ural est un véhicule atypique générateur de rencontres et de sourires. Toujours pas convaincu ? Laissons place aux spécialistes du sujet : les voyageurs sidecaristes.

Voyage de Lausanne à Bangkok, en couple avec un chien, avec pour montures un sidecar Ural et une Royal Enfield Himalayan

Olivia, Titouan et leur chienne Guinness, alias Roue libre, sont partis le 4 mai 2024 pour un roadtrip au long cours. Ils ont trouvé le temps, entre deux journées sur la route, de répondre à nos questions. Vous pouvez suivre leurs aventures sur leur blog roue-libre.ch, Youtube, Facebook, et Instagram.

Bonjour Olivia et Titouan. Pouvez-vous vous présenter rapidement, ainsi que l’itinéraire et la durée de ce road-trip ?

Olivia : J’ai 40 ans, j’habite en Suisse, j’ai mon permis depuis mes 18 ans. On est en couple avec Titouan depuis 4 ans environ et je vis avec ma chienne Guinness depuis 12 ans.

Titouan : J’ai 35 ans, je suis originaire de la région de Lausanne, en Suisse, j’ai mon permis moto depuis 2 ans et j’accompagne Olivia dans ce voyage pour rallier la Thaïlande depuis chez nous.

Nous avons décidé de voyager lentement et nous en profitons pour visiter les différents pays que l’on traverse. La durée totale du voyage est d’une année environ.

©Roue libre

L’itinéraire est assez simple : on part depuis la maison à Lausanne et on essaie d’atteindre Bangkok.

On a commencé par la France pour éviter la neige sur les Alpes puis l’Italie. Nous avons ensuite longé la mer Adriatique avec quelques incartades puis la Grèce et la Turquie. De là, nous avons décidé de prendre la route du sud pour voir l’Iran. Traversée du Turkménistan, des autres pays d’Asie centrale, Ouzbékistan, Tadjikistan, où nous sommes actuellement, puis Kazakhstan, Kirghizistan et ensuite on entre en Chine, Laos et Thaïlande. Nous irons peut-être au Vietnam si on peut y entrer avec les motos.

Ensuite nous allons renvoyer les véhicules par bateau ou par avion et enfin on termine en mode backpacker (sac-à-dos) pour essayer d’atteindre Vladivostok et prendre le Transsibérien afin de revenir en Suisse. On a déjà parcouru 12 000 km en moto. Il en reste en tout cas 6 000 mais on ne compte pas vraiment les kilomètres.

Pourquoi avoir décidé de voyager en side-car (notamment en Ural) ainsi qu’en Royal Enfield ?

Olivia : Je suis la propriétaire du side-car. J’ai choisi ce véhicule pour que ma chienne Guinness puisse nous accompagner. J’ai cherché un sidecar solide, refroidi par air si possible et à injection dans l’idéal pour limiter la mécanique.

Titouan : D’habitude c’était moi dans le panier mais Guinness a pris ma place. Du coup il me fallait une moto pas chère, solide et facile à conduire. Le choix s’est porté sur la Royal Enfield Himalayan dont on est très content.

Pour la conduite, on alterne les véhicules quasiment chaque jour parce que le side-car est relativement fatiguant à conduire (les propriétaires comprendront) et vu que la Royal n’est pas trop haute de selle, ça nous convient à tous les deux.

©Roue libre

Pouvez-vous nous présenter vos véhicules et les modifications apportées pour ce voyage ?

La Royal Enfield Himalayan s’appelle “la Royal” ;-). Elle date de 2018. Niveau équipement pas grand-chose : une barre de fixation pour le GPS avec une prise USB, des valises souples à l’avant, les valise officielles rigides à l’arrière, des protèges poignées et des crash bar qui on déjà bien été bien tordues.

©Roue libre

Le side-car est un Ural modèle ranger de 2017, le premier modèle avec injection. On a bien essayé de lui donner un surnom mais finalement, on l’appelle l’Ural… L’Ural n’a pas non plus beaucoup d’équipements : un pare-brise côté conducteur, mais côté panier on a ajouté une prise allume cigare (inexistante sur ce modèle) et fait faire une structure pour pouvoir enfermer Guinness lors des passages de douane. Si on laisse le chien seul, on ne veut pas qu’il ait de problème avec des chiens errants ou autres. Ça aussi l’avantage de la protéger du vent et du soleil parce qu’en août on a fini par traverser des déserts.

Le garage Ural de Doges, en Suisse, a corrigé quelques petits problèmes au niveau du souffleur d’huile sur la transmission et le garage Classic Bike Esprit à Saint-Rémy-de-Provence a corrigé le problème d’infiltration d’eau dans les ECU.

©Roue libre

Avez-vous démarché des sponsors ?

Absolument pas.

Quelle est la routine d’entretien de votre sidecar Ural et de votre Himalayan ? Qui s’occupe de la maintenance/révision ?

On essaie de faire un service tous les 5000 km, si on tombe sur un garage. Pour l’Ural, on a les pièces pour effectuer un service nous même au cas où. Toutes les semaines, voir un peu moins, on fait le tour des véhicules: pression des pneus, lubrification de la chaîne de la Royal, niveaux d’huile, et vérifier que tout tienne en place. Pour l’Ural, on vérifie particulièrement la roue de secours et la roue du panier qui ont tendance à se desserrer.

Pour ces vérifications, on fait ensemble mais chacun reste responsable de son véhicule. Vu qu’il y a plus à faire sur l’Ural, Titouan est un peu plus sollicité on va dire…

Avez-vous subi des aléas mécaniques ? Lesquels ? Vous ont-ils limité ou porté préjudice durant le voyage ?

Olivia : Le principal problème qu’on a rencontré avec l’Ural est le fait que le support de la roue de secours se dévisse. Sur ce support est fixé le porte-bagage. Donc par deux fois tout s’est envolé en roulant ce qui a tordu le support. Maintenant il est maintenu avec une sangle. On a aussi dû ressouder une partie du support à Khiva, suite aux mauvaises route du Turkménistan.

Le démarrage est parfois, même avant le voyage, un peu capricieux selon la température car le mélange air-essence se fait parfois mal. Avant il suffisait de bloquer l’arrivée d’air avec le doigt. Avec la mauvaise qualité d’essence, le problème revient plus souvent donc on reste attentif.

Titouan : Pour la Royal, juste après le départ, dans un camping à Saint-Rémy-de-Provence, suite à une chute, on a dû recoller le clignotant. Mais depuis aucun problème avec le clignotant qui tient par du scotch et de la colle. Sinon, lors d’une chute, une crash-bar s’est un peu pliée ce qui a fendu la gaine du tuyau d’huile qui va au refroidisseur. On a eu assez peur de devoir changer ou d’avoir une fuite mais heureusement, seule la gaine a été touchée. Sinon aucun problème.

Olivia : Je rajouterai que la Royal tombe principalement parce que la béquille s’enfonce dans le sol, rarement avec un passager dessus. C’est comme ça qu’elle a les plus gros dégâts qui se limitent à des clignotants.

Avez-vous un ou plusieurs coups de cœur ?

Titouan : De mon côté, la Turquie a été une très grande surprise, la variété des paysages, des cultures est vraiment très impressionnante. Sinon on vient de rentrer au Tadjikistan et ça a l’air vraiment un pays fantastique. Je me réjouis de découvrir. Mais ça reste une question difficile. On a quand même traversé beaucoup d’endroits et je crois qu’à chaque endroit on a eu des surprises ou des coups de cœur pour des villes ou pour des régions. Mais si je veux en garder qu’un je garderai la Turquie qui est très variée.

Olivia : Je dirais l’Iran. C’est le pays où j’avais le plus d’appréhension avant d’y rentrer. C’était, pour être honnête, plutôt une idée de Titouan. J’avais entendu dire que les iraniens étaient gentils mais c’est un euphémisme. C’est indescriptible. Difficile de se rendre compte tant qu’on ne l’a pas vécu. Là, on va entamer la route du Pamir et j’attends beaucoup de cette région au niveau des paysages.

Pouvez-vous nous décrire des anecdotes et/ou des rencontres marquantes durant votre voyage ?

Olivia : La meilleure représentation qui mélange la gentillesse et la dangerosité des iraniens au volant c’est lorsque je roulais avec la Royal à 80km/h et qu’un gros 4×4 noir m’a dépassé pour me tendre une gaufrette par la fenêtre. Dangereux mais gentil.

Des anecdotes avec le chien, il y en a aussi pleins comme lorsqu’elle s’est fait attaquer par un chien turkmène dans le désert, ou qu’elle a dormi avec nous dans la tente en Grèce parce qu’il y avait des chiens géants et très agressifs dans les bois qui pouvaient surgir à n’importe quel moment selon le propriétaire du camping (on ne les a jamais vu) ou encore lorsqu’elle s’est enfuit du side-car en Iran pour aller se coucher à l’ombre pendant qu’on faisait les papiers à la douane.

Titouan : La soirée de l’improbable au lac salé en Turquie : le seul logement à proximité du lac est un village de yourte ce qui est déjà assez étonnant. Le restaurant sur place sert de la cuisine coréenne très très bonne et nous étions les seules hôtes avec un ministre turc ce qui implique la présence de gardes du corps dans le campement. Improbable.

La rencontre avec des jeunes motards turcs dans un camping du sud-est du pays était super. Ils étaient venus en roadtrip pour le week-end. Ils étaient très jeunes et c’était leur première grande aventure en moto. Du coup, nous avons beaucoup échangé et nous avons même été faire un tour ensemble dans la région du lac qui était très belle avec des grandes épingles. Ils voulaient absolument essayer la Royal et du coup j’ai pu tester des motos turques vraiment modifiées et custom 🙂 Quand j’ai démarré, ils ont oublié de m’indiquer que les vitesses étaient inversées. Du coup ça a été assez laborieux un bon moment surtout que je n’avais jamais conduit une moto comme ça.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de ce voyage ?

Olivia : Pour l’instant, on a jamais eu de gros souci que ce soit avec les véhicules, le chien ou avec nos papiers. On espère que ça va continuer. Sur toutes les douanes qu’on a traversé, celles qui me semble la plus compliquée est celle du Turkménistan mais on était dans l’obligation d’avoir un guide pour traverser le pays. Donc finalement ça c’est plutôt déroulé facilement.

Titouan : Tout s’est plutôt bien passé. La plus grande surprise et difficulté ayant été le fait de ne pas pouvoir trouver de pneus pour l’Ural en Turquie malgré qu’il y avait un concessionnaire. Du coup on a dû chercher pour trouver des pneus qui on mis passablement de temps à arriver par la poste car ils ont été retenus à la douane et on a dû négocier pour pouvoir les récupérer avec des questions du genre pourquoi vous les avez pas acheté en Turquie … on aurait bien voulu !

Olivia : Niveau rencontres canines, en Turquie, il y avait des chiens errants mais qui étaient plutôt sympathiques même avec Guinness. La seule fois où ça c’est vraiment mal déroulé, c’était à la dernière station-service avant le gaz cratère au Turkménistan où un chien errant nous a foncé dessus et en quelques secondes, Guinness a eu droit à deux trous bien profonds. Cet incident lui a valu une visite chez le vétérinaire, une fois qu’on en a trouvé un, c’est-à-dire en Ouzbékistan.

On s’est beaucoup inquiété pour la chaleur particulièrement dans le side-car mais en fait il y a pas mal d’air donc elle est probablement plus au frais que nous. La fois où on a eu le plus chaud, c’était en Grèce parce qu’il y avait un petit épisode de canicule. Dans le désert turkmène pendant la fin d’après-midi au campement, le linge mouillé sur le chien fonctionne plutôt bien, même si finalement elle n’en aurait probablement pas eu besoin.

©Roue libre

Comment gérez-vous le fait de voyager en couple et avec un chien sur une aussi longue durée ? Pas trop de disputes ?

Olivia : Le confort de Guinness est ma priorité. Pour Titouan, dormir avec le chien dans la tente était absolument exclu d’où le fait qu’on ait une tente avec deux absides mais petit à petit, en le travaillant au corps, elle a quand même passé quelques nuits avec nous. C’était principalement liés au risques de chiens errants.

Titouan : Entre nous tout va bien. On a l’habitude de passer beaucoup de temps ensemble vu qu’on travaillait ensemble déjà avant de partir en voyage. Comme tous les couples, des fois on est pas d’accord. On prend du temps pour en discuter. Tout se passe pour le mieux jusqu’à maintenant.

Olivia : Vu qu’on travaillait ensemble, on avait déjà l’habitude de ne pas être d’accord. Donc on sait comment régler ce genre de différents.

Finalement, l’Ural et l’Himalayan sont-ils de bons véhicules pour parcourir le monde ? Quels sont pour vous les avantages et les inconvénients de chacun de ces engins ?

L’avantage de l’Ural c’est indéniablement les rencontres. Les gens s’arrêtent ou nous arrêtent et viennent discuter. L’autre avantage c’est la capacité de bagage. Concernant les inconvénients, difficile de trouver un mécanicien qui sait comment gérer ce genre d’engin mais globalement il fonctionne plutôt bien donc on est pas trop affectés. L’autonomie pourrait être améliorée parce que 200 km, c’est quand même pas beaucoup. Par rapport à la Royal, c’est un peu frustrant. Et enfin le phare qui n’éclaire rien du tout. On évite de rouler de nuit mais même dans les tunnels, c’est galère.

La Royal est super ! Elle reste facile à conduire. Elle consomme pas grand-chose. Elle est solide. Si je devais donner un inconvénient, bah peut-être effectivement des fois ça manque un peu de pêche quand il faut dépasser un camion. Mais de toute façon l’Ural est derrière alors ça ne sert à rien d’aller plus vite.

Quelle est la suite de l’aventure pour vous ?

On part demain pour faire la Pamir Highway qui nous mènera jusqu’au Kirghizistan à travers le Tadjikistan. Ensuite on visite le Kirghizistan puis on part pour Almaty au Kazakhstan où on fera des services, du ravitaillement et de l’administratif pour rentrer en Chine début octobre. Ensuite traversée de la Chine et enfin visite de l’Asie du Sud-Est, Laos et Thaïlande pour terminer le périple à moto.

Un petit mot pour remercier toutes ces personnes qui nous ont aidés avant et pendant le voyage, à ces gens qui ont déjà tenté l’aventure en side-car avec un chien et qui nous ont conseillé, notamment Bike-side-story, à Uralistan qui nous on permis de trouver nos pneus en Turquie, à leur site internet qui est plus que précieux pour l’Ural et aux autres sites de voyageurs qui nous ont évité probablement bien des galères !

©Roue libre

Un grand MERCI à Olivia et Titouan pour avoir pris le temps de répondre à nos questions, tout en étant sur la route en Asie centrale (et nous savons que ce n’est pas facile :)). Vous pouvez suivre leurs aventures sur Facebook, Instagram, Youtube et leur blog : roue-libre.ch. Si vous aussi vous avez fait un beau voyage en Ural et que vous souhaitez le partager, contactez-nous !

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