Sur les milliers de km déjà parcourus, plus de 10 000 uniquement consacrés a ce voyage, les routes Kazakh sont les plus difficiles que nous ayons rencontrées. Elles nous ont fait beaucoup souffrir, Sacha et moi. Par endroits et sur de longues distances, ces routes sont si mauvaises que plus personne ne les emprunte et des pistes parallèles se créent, jusqu’à 3 ou 4 de part et d’autre de la route officielle. Et encore, ces pistes sont souvent elles aussi en mauvais état, tôle ondulée, ornières profondes créées par le passage répété des camions, etc.
Ne supportant plus ces conditions de route difficiles, plusieurs éléments de Sacha ont cherché à nous quitter. Cela a été le cas pour le guidon avec le desserrement des 2 vis de 19. De même avec ce récidiviste de garde-boue de panier que j’ai dû refixer plusieurs fois. Mais l’évasion la plus spectaculaire aura été celle de l’un des deux jerricans d’essence qui a disparu sans que je m’en aperçoive. Arrivé au bivouac le soir, voilà ce que j’ ai vu : il manquait le fond et un coté du support ainsi que le jerricane. 50 km avant le bivouac j’avais fait le plein d’essence dans une toute petite station, ou les 2 seules pompes étaient « posées » sur le sable, les pistolets accrochés à un clou, et je ne m’étais aperçu de rien, ou alors j’avais du sable dans les yeux ? Impossible de rebrousser chemin pour essayer de le retrouver, la nuit était déjà là et il m’aurait été difficile de retrouver les pistes empruntées.
Difficile apprentissage de l’off-road aussi, comme ici où je suis resté « planté » dans 40 cm d’eau Pourtant je me croyais prêt puisque j’avais tout lu sur le sujet, aussi bien sur le forum que sur le site d’Hubert. Et ne vous fiez pas à l’aspect tranquille de cette rivière, elle a été assez puissante pour emporter un pont et une partie de la route qu’on devine sur le talus à gauche. Le passage dans l’eau n’était donc pas une excuse pour me rafraîchir les pieds, c’était un passage obligé. A cet endroit, la rivière forme 2 bras en Y. Le premier gué, plus petit que le second, a été traversé sans difficulté. J’avais même pris le temps de respecter les consignes données par Dan. J’ai donc coupé le moteur pour le laisser refroidir et ainsi minimiser les problèmes qu’un trop fort choc thermique aurait pu occasionner. J’en ai profité pour examiner la rivière, notamment sa profondeur et la nature de ses fonds.
Après un délicieux casse-croûte fait à base de pain et de tomates chauffées au soleil, arrosé d’une excellente eau en bouteille plastique, elle aussi à bonne température pour me faire du thé, plus un petit pipi de la peur, contact, et me voilà sur l’autre rive.
– Facile me suis dis-je, et dans mon élan, j’entame le passage du second gué.
– Merde me suis dis-je.
– gloup gloup me répondit Sacha.
Nous ne sommes pas parvenus à remonter sur l’autre rive. Première erreur ; j’aurais dû enclencher préventivement la seconde roue motrice. En effet, dès que j’ai entamé la remontée, avec la pente et les fonds sablonneux, nous nous sommes ensablés et à ce stade, le crabotage du 2WD ne sert plus à grand-chose sans un minimum de vitesse. La seconde erreur, c’est justement la faible vitesse avec laquelle je suis rentré dans l’eau. Je voulais éviter qu’une vague submerge le moteur. Bref, après avoir essayé de me dégager avec ma pelle, un local et son fourgon 4×4 russe (du modèle de celui que l’on voit dans tous les reportages) est venu me tirer de l’eau.
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Encore une rencontre trop courte
J‘étais à moins de 200 km de la ville d’Aralsk (Aral) et c’était la première fois au Kazakhstan que je rencontrais des conditions de route excellentes, une route toute droite, presque déserte, menant directement à Tachkent en Ouzbékistan. Je roulais à fond, comme à mon habitude, aux alentours de 60 km, quand j’aperçois dans mes rétros deux phares de moto qui se rapprochaient très rapidement. La 1re moto, arrivée à ma hauteur, stabilise sa vitesse sur la mienne (j’aurais pu croire qu’il allait caler), la seconde restant 10 m derrière.
Tout de suite je comprends que je n’ai pas affaire à des motards « ordinaires », à cause d’un accessoire fixé sur le côté de la première moto, une batte de baseball dans son étui. Le gars me regarde et me fait signe de m’arrêter. Je réfléchis 2 ou 3 secondes et je lui fais comprendre que je suis fatigué et que je préférerais rejoindre mes amis du GIGN qui m’attendent à 500 m de là, normalement il y devrait aussi y avoir mes amis du RAID et 2 ou 3 blindés. Enfin, c’est ce que j’aurais voulu lui dire, mais je me suis garé sur le bas-côté. En fait, le gars descend de ça 800 GS et arrive tout sourire vers moi, c’était Alex M. (avec la veste en jean Il m’explique dans un très bon anglais que c’est un vrai biker Russe (un boss si j’ai bien compris) et qu’il est particulièrement fier de voir un Ural, conduit par un Français, faire le périple que j’ai entamé.
Ils sont 3, 2 hommes et une femme, sur 2 motos à faire un circuit Russie, Kazakhstan, Ouzbékistan, Kazakhstan et retour en Russie. Ils étaient plutôt pressés et sont repartis très vite, dommage. Le blason sur le dos de la veste en jean représentait 3 ou 4 têtes de mort, si quelqu’un les connaît, je serais intéressé pour d’en savoir plus. Alex insista pour me laisser son n° de téléphone en me précisant que si je rencontrais des problèmes, quels qu’ils soient, ici au Kazakhstan ou ailleurs, je devais l’appeler. Merci.
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Sur la piste du cimetière
Cela faisait 2 jours que je cherchais une piste pour aller voir un cimetière de bateaux où plusieurs épaves sont posées sur le sable. Je crois me rappeler qu’Hubert ne l’a jamais trouvée. Ce site, comme tous les autres sur cette partie nord de la mer d’Aral, va disparaître. De gros travaux et la condamnation de la partie sud de cette mer intérieure doivent permettre à l’eau de revenir à sa place initiale. Dans cette perspective, les navires sont démantelés par les ferrailleurs. Aujourd’hui, la mer est à 60 km de l’ancien port d’Aralsk et le cimetière de bateaux est à 40 km, à vol d’oiseau, de cette ville, uniquement accessible par une piste très peu fréquentée.
J‘ai préparé Sacha en prévision de cela, mais j’ai eu beaucoup de mal à remplacer le jerrican de 10 L qui s’est évadé. Faute de mieux, ce sera un bidon recyclé qui contenait de la lessive liquide, c’est peut-être pour cela que mon histoire s’est mise à patiner. Après quelques courses en nourriture et en eau au bazar, je suis parti en milieu de matinée et le soleil tapait déjà fort. La piste c’est avérée rapidement difficile, toujours des ornières profondes et du sable mou par endroits.
Là aussi, on finit par apprendre à reconnaître les terrains meubles. Sur la photo de dessous, à votre avis, quel est le terrain le plus fréquentable ? La partie blanchâtre, salée ou la partie brunâtre, de la terre séchée ?
La réponse est sur la photo, Sacha est sur la partie blanchâtre parce que le sel durci le terrain, l’autre, dès que vous y mettez les pieds, vous vous enfoncez de 2 cm. La sorte de digue à droite c’était l’ancienne rive, Sacha est virtuellement dans l’eau. Pour passer dans le sable mou, il n’y a pas de secret, il faut un minimum de vitesse pour ne pas s’ensabler, je roulais donc entre 25 et 35 km/h. Dégonfler les pneus peut aussi être nécessaire. Pour passer les ornières très profondes, on joue les équilibristes. Les roues avant et arrière de la moto sont sur la bosse centrale et la roue du panier sur l’extérieur de la piste, même si parfois le gare boue du panier racle le talus. L’inverse est plus délicat ou pas toujours possible. En effet, la piste est parfois encadrée par deux murs de sable, comme on le devine sur la photo. Avec ce type de piste, le mieux serait d’en sortir, sauf qu’une fois engagé, cela est impossible, toujours a causse des murs de sable.
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—> Découvrir les autres épisodes du long voyage de Tamata emmené par Sacha (son sidecar Ural)