Esprit es-tu là
De telles lectures nous invitent à nous demander si la situation où nous sommes dans le présent ne nous dissimulerait pas ce qu’en réalité nous pourrions être, si elle ne nous cacherait pas ce qui sommeille peut-être en nous et qui, se trouvant lié par la force du quotidien, ne laisserait pas s’exprimer notre vraie nature : une question d’esprit en quelque sorte, ou encore de rapport à notre essentiel.
Nous voici conduits à réfléchir sur l’existence d’une dimension spirituelle propre au voyage ou, pour le moins, à nous demander si une telle approche ne se placerait pas comme condition indispensable à un sentiment de plénitude, de réussite, de sens donné à la volonté de partir. Cependant, ne nous y trompons pas : cette question relève ni plus ni moins de la métaphysique, celle-là même qui, « étant dans l’air ne peut qu’y être laissée » ainsi que l’eût recommandé un Gambetta dans ses grands jours de tribune. Car enfin quoi, qu’aurait-il donc de plus, le pèlerin de Compostelle chargé de sa lourde foi de voyage comparé à celui qui choisit de suivre le même chemin au trot léger du joggeur sans bagage ?
Car tout est là : la spiritualité n’est pas le fruit d’une volonté. Comme douée d’une vie propre elle se pose à son gré sur les mots du dialogue que nous avons avec notre propre mémoire. La route prend son sens tout pendant qu’elle s’accomplit, dans les détails de ce que nous ne décidons pas aussi bien que dans les circonstances au cours desquelles se déroule ce que nous avons précisément décidé. S’il doit exister un esprit relatif au voyage, c’est bien dans l’acceptation de l’idée que notre route en a toute sa part, qu’elle écrit son propre chapitre de notre aventure, comme un personnage vivant avec lequel tout se partage et, au fil des jours, se construit.
Voici pourquoi il y a mille chemins comme il y a mille départs, mille expériences révélées mais inimitables et dont l’écho spirituel demeure enclos dans la mémoire de celui qui les a vécus. De même que les savoirs, les émotions peuvent s’offrir en partage mais non point cette part de l’intime qui s’inscrit en nous et qui, même confiée aux regards les plus amicaux, n’a pas capacité à totalement se transmettre. C’est pourquoi le voyage des autres, s’il nous attire, ne suffit pas à notre besoin. Il faut que le voyage soit nôtre car celui-là seul sera porteur du sens qui est en nous. C’est munis de cette connaissance que nous pouvons alors le mieux appréhender les récits tels que ceux de Daniel, venus des profondeurs, qui éclairent cette part inatteignable de l’être, par la seule lumière que transportent les mots.
Ecoutons-le à nouveau :
D’où vient donc l’étrange attirance de ces régions arctiques, si puissante, si tenace, qu’après en être revenu on oublie les fatigues morales et physiques pour ne songer qu’à retourner vers elles ? D’où vient le charme inouï de ces contrées pourtant désertes et souvent terrifiantes ? Est-ce le plaisir de l’inconnu, la griserie de la lutte et de l’effort pour y parvenir et y séjourner, la fierté de cheminer sur des lieux différents où d’autres ne vont jamais, la douceur d’être loin des petitesses et des mesquineries ? Un peu tout cela sans doute, mais aussi autre chose.
Aux rivages lointains, aux rêves incertains, que c’est beau les voyages, ils effacent au loin nos larmes et nos chagrins. Il ne suffit quelquefois que d’un mot, d’un regard et la route s’ouvre…déjà en soi pour, plus tard, être celle sur laquelle notre nouveau coeur respire et bat.
De quoi parle le vent lorsqu’il est seul ? Forêts du nord, quel infaillible instinct me ramène toujours vers vos vieux troncs drapés de mousses de velours ? Quand ce vent frais de l’aube aux feuillages circule, vous frémissez aux cris de mille oiseaux joyeux et alors rien n’est plus superbe et plus majestueux que votre grand silence, au fond du crépuscule…Forêts du nord, vivez toujours puissantes et toujours rajeunies, déployez vos rameaux, accroissez votre écorce et versez-nous la paix, la sagesse et la force. Car en vos seins sommeillent nos Grands Ancêtres par qui les hommes sont bénis.
La puissance et la magie de l’Islande est que cette terre de feu et de glace nous parle non pas par son extravagance ou sa grande beauté, mais par l’intérieur, en chuchotant des vibrations profondes au fond d’une contrée que l’on rencontre rarement en soi…celle de l’âme
Trés bien écrit et ressenti..J’ai beaucoup voyagé dans le sud et beaucoup moins dans les régions septentrionales du globe . Les sensations sont les mêmes dans le Sahara ou en Namibie…Mais ces machines auxquelles je commence à m’intéresser depuis peu sont elle adaptées aux zones les plus chaudes de la planète?